• Interview de Sébastien Heurteau

    Interview de Sébastien Heurteau

    Par Stéphane ADAM

     

    Bonjour à toutes et à tous,

    Sébastien Heurteau est revenu en France depuis maintenant 3 ans et j’avais très envie de connaître son ressenti au sujet de l’aïkido à la fois en tant que pratiquant mais aussi en tant qu’enseignant. Il a donc bien voulu répondre à mes questions et pour cela je le remercie vivement.

    A bientôt Sébastien…

    Interview de Sébastien Heurteau

     

    •  Peux-tu nous présenter brièvement ton parcours ?

    J’ai débuté l’aïkido à 14 ans en 1990 dans un petit club de la région parisienne.      6 ans plus tard, j’ai commencé à suivre l’enseignement de Christian Tissier sensei dans son dojo, d’abord quelques cours par semaine, puis de manière assidue dès 1998. J’étais fasciné par le personnage, et bien que ne connaissant encore rien à l’aïkido, je prenais beaucoup de plaisir à ses côtés.

    Je me souviens avoir commencé très vite à parler avec lui de mon attirance pour le Japon, mais je n’étais pas encore prêt pour un tel voyage. Jusqu’au jour où je lui ai dit « Sensei ? C’est bon, c’est décidé, je pars !! ». Il m’a alors mis en relation avec un français qui avait une école à Tokyo, puis a prévenu l’Aïkikai de mon arrivée.

    Je suis donc arrivé à Tokyo en 2003 avec une valise et une adresse. Avec un visa « vacance/travail » pour une durée d’un an et quelques économies en poche, j’ai très vite fait le choix de me consacrer exclusivement à la pratique de l’aïkido. A la fin de l’année, ma volonté de rester était trop forte et j’ai ainsi obtenu le visa culturel pour continuer à m'entraîner à plein temps. Renouvelé tous les ans en attestant de mes heures de pratique, j’ai gardé ce visa pendant 4 ans. Cela nous amène donc en 2008, l’année de mon mariage.

    Dés 2010, plusieurs sensei commençaient à me questionner sur mon avenir, je sentais dans leurs approches comme un message qu’ils souhaitaient me transmettre. Ils le faisaient tous de façon différente, certains de manière orale et pour d’autres le message est passé par le tatami. J’ai pris conscience de l’importance de ce message juste après ma dernière démonstration avec Kobayashi sensei au Nippon budokan. A ce moment là je ne savais pas que c’était la dernière (All Japan Aïkido 2010), mais j’ai ressenti une telle complicité avec lui cette année là que j’en étais comme apaisé avant et après notre passage. Malgré la présence des nombreux spectateurs et des caméras, aucune montée de stress comparable aux autres années. J’ai alors pensé que peut-être il était temps pour moi de trouver mon propre chemin.

    Il aura fallu encore plusieurs mois de réflexion pour que la décision de rentrer en France soit prise, surtout que je n’étais plus seul.

    Aujourd’hui, je suis retourné enseigner dans le club de mes débuts et j’ai à cœur d'essayer de transmettre un aïkido Aïkikaï tel qu'il est pratiqué actuellement au Japon.

     

    •  Quels sont les sensei d’aïkido qui te marquent le plus actuellement et pourquoi ?

    Il y a déjà quatre sensei de l’Aïkikai dont je me sens très proche, à la fois sur le tatami mais aussi en dehors. Ces quatre personnages sont très importants pour moi et continuent encore à m’apporter dans mon apprentissage. Bien que je sois loin du Japon, nous restons en contact permanent et je leur donne régulièrement des nouvelles. Si je n’ai pas la possibilité de les rencontrer en stage, en France ou en Europe j’essaie de me rendre au Japon dès que je le peux afin de passer du temps avec eux.

    Il serait tout à fait déplacé de ma part que de dresser une liste de leurs compétences, je vais néanmoins essayer de les présenter.

    Interview de Sébastien Heurteau

     

    Yasuno sensei est un personnage charismatique, c'est le samouraï dans sa façon d'être. Il m’a beaucoup influencé dans mon aïkido, et mon « ukemi » aussi a grandement évolué à ses côtés (le mot Ukemi détermine l’ensemble du travail de Uke, à savoir son attaque, son comportement dans le mouvement et sa chute). Je me souviens avec beaucoup de nostalgie des cours intenses à l’Aïkikai du lundi soir et du mardi matin, où il prenait plaisir à me faire chuter de longues minutes en me faisant traverser le tatami d’un bout à l’autre.

     

     

    Interview de Sébastien Heurteau

     

    Osawa sensei est pour moi un modèle de simplicité dans le mouvement, beaucoup de délicatesse et toujours bien placé. Je me suis beaucoup inspiré de son travail avec le partenaire, toujours très proche et uni avec lui. C’est un sensei avec qui j’ai mis un peu de temps à mettre en place une relation mais j’en suis ravi aujourd’hui.

     

    Interview de Sébastien HeurteauConcernant l’aïkido de Kobayashi sensei, je retiens avant tout sa fidélité au Doshu et ce n’est pas un hasard s’il fait partie de ceux qui le remplacent pour le cours du matin lorsque qu’il est en voyage. Kobayashi sensei et moi avons une relation particulière puisque j’ai eu le plaisir et l’honneur de l’accompagner tous les ans, lors de différentes démonstrations officielles comme le « All Japan Aïkido Démonstration » au Budokan et dans plusieurs ambassades.

     

    Interview de Sébastien Heurteau

    Kuribayashi sensei est quelqu’un de très ouvert sur le monde. Il fait parti de ces sensei japonais qui s’intéressent à l’occident. Il est d’ailleurs l’un des rares de l’Aïkikai à utiliser l’anglais dans ses cours. Très souvent entouré d’étrangers, il est très accessible. J’ai d’ailleurs eu l’occasion de voyager un peu avec lui au Japon, parfois pour une démonstration, parfois pour aller se baigner dans une source chaude.

     

    Pour sortir un peu du Japon, la France aussi compte des enseignants de haut niveau, des gens qui ont une histoire dans l’aïkido. Ce qui m’intéresse principalement c’est comment certains ont su adapter leur expérience japonaise, car c’est exactement ce que je suis en train de vivre.

    Tissier sensei reste évidement pour moi la meilleure référence, il a su apporter la sienne et l’adapter à sa façon dans un système occidental, et cela n’a pas du être facile. De plus, en tant que non-japonais, il a su obtenir la reconnaissance du Japon et ils ne sont pas nombreux !! Sa présence comme invité d’honneur à « l’International Aïkido Congress » tous les 4 ans au Japon en est la preuve.

     

    •  Peux-tu nous décrire une de tes journées type lorsque tu résidais au Japon ?

    Difficile de sélectionner une journée type, cela dépend avant tout de la période. Pour ma part, j’en ai eu deux importantes.

    Interview de Sébastien HeurteauLa première est directement liée à mon visa d’aïkido qui, comme je le disais plus haut, a duré 4 ans. C’est une période où je privilégiais avant tout le nombre d’heure de pratique peu importait le sensei, afin de conserver le visa. La deuxième débute peu avant mon mariage et à ce moment là je savais exactement ce que je souhaitais faire en aïkido et quel chemin suivre, j’ai alors privilégié les sensei qui m’étaient proches, jusqu’à les suivre dans leurs dojos privés.

    La journée type que je peux choisir est certainement celle du mardi. Trois de mes sensei étaient réunis dans la même journée. Elle commençait à 8h00 avec le cours très prisé de Yasuno sensei jusqu’à 9h00. Ensuite vers 9h30, bien que l’Aïkikai fermait ses portes, certains élèves proches de Yasuno sensei, souvent au nombre de 5 dont je faisais parti, avaient la chance de rester sur le tatami afin de pratiquer un peu plus avec lui, il nous faisait chuter de longues minutes à tour de rôle. Nous avions conscience du privilège qui nous était accordé par le maître.

    Ensuite, j’allais automatiquement à la laverie pour mes keikogi, puis je m’arrangeais le plus souvent pour prendre mon repas vers 11h30 ce qui me permettait de faire une sieste vers 13h00. La journée se poursuivait à 15h00 avec le cours de Kobayashi sensei, un cours particulier pour moi car les gens avaient l’habitude de me considérer comme son élève du fait qu’ils nous voyaient ensemble dans les démonstrations. Ensuite la journée se terminait en apothéose avec 2 cours d’Osawa sensei, de 17h30 à 21h00…

    L’aïkido une fois terminée, j’avais l’habitude d’aller manger avec un sensei et mes amis aïkidokas. C’était une journée que je n’aurais ratée pour rien au monde.

     

    •  Tu as fait le choix d’être un élève du Hombu dojo, qu’est ce qui justifie cette démarche par rapport à un pratiquant qui ne suit qu’un seul sensei ?

    Pour commencer, je n’ai rien contre les gens qui choisissent de ne suivre qu’un sensei. Je dirais même que je les envie. Ils sont d’ailleurs en accord avec les codes culturels qui veulent que l'élève choisisse son maître, ou parfois l’inverse.

    Interview de Sébastien HeurteauEn effet, je n’ai pas réussi à le faire malgré les différents conseils, cela doit être lié à ma personnalité. Je n’ai jamais pu choisir, me dire « c’est lui que je vais suivre !! ». De plus, au début, il m’arrivait souvent de m’entraîner avec les élèves du sensei et je m’apercevais petit à petit qu’ils ne prenaient pas forcement tous le meilleur de leur sensei mais plus ses imperfections. En tout cas, j’avais cette impression à cette époque. Un vieux japonais qui a beaucoup connu Yamaguchi sensei m’a dit un jour que ce n’est pas parce qu’on va suivre longtemps et souvent l’enseignement de quelqu’un qu’on va forcement beaucoup s’imprégner de sa technique, parfois il vaut mieux même le voir que périodiquement. J’ai toujours gardé cette phrase dans un coin de ma tête et j’ai eu un semblant de vérification lorsqu’un jour quelqu’un m’a dit qu’il y avait un peu de Miyamoto sensei dans mon aïkido, cela m’a fait sourire car c’est un sensei que j’ai très peu suivi...Comme quoi… !!! Enfin, c’était il y a longtemps, je tiens à rassurer certains de mes amis aïkidoka ou « aïkidokate » qui sont vraiment des élèves de Miyamoto sensei.

    Je ne me revendique donc pas être l’élève d’un sensei en particulier. Plusieurs d’entre eux ont eu à cœur de s’occuper de moi, c’est pourquoi il m’était difficile de faire un choix. De plus, toutes les démonstrations auxquelles j’ai participé avec Kobayashi sensei ont toujours eu pour but de représenter l’Aïkikai avant tout. C’est une bonne raison, je pense, pour me sentir comme un élève du Hombu dojo.

     

    •  Quelles différences majeures existent-t-il entre l’aikido pratiqué en France et l’aikido pratiqué au Japon ?

    On me pose souvent cette question depuis que je suis rentré, et à chaque fois, je ne peux m’empêcher de penser aux nombreuses discussions que j’ai pu avoir avec les sensei, où je leur demandais à mon tour quelles étaient selon eux les différences entre l’aïkido japonais et ce qui se faisait dans le reste du monde. Ils me disaient souvent avec beaucoup de sagesse qu’ils pensaient que certains pays ou fédérations n’étaient pas sur le même chemin que celui de l’Aïkikai et n’étaient pas non plus sur la même voie de recherche, et ce malgré le fait qu’ils souhaitaient faire partie de ce groupe, probablement dans un souci de reconnaissance. Je sentais dans leurs voix comme de l’incompréhension sans jugement personnel (enfin c’était mon interprétation sur le moment). D’après eux, il semblait logique que si tu veux faire partie du groupe Aïkikai, tu dois au moins essayer de pratiquer et de transmettre un aïkido Aïkikai…C’est ce que je pense aussi et c’est pourquoi j’essaie dans mes cours ou dans mes stages de le faire ou tout du moins essayer à mon tour de transmettre avec mes valeurs ce que les sensei m’ont donné.

    Il y a aussi autre chose de très important qui me conforte dans mes choix d’enseignement et que je vois peu en France. Les sensei me conseillaient aussi régulièrement de ne pas oublier ce que « O sensei » disait peu avant sa mort : « L’aïkido est un art universel et doit pouvoir être pratiqué par tous, sans distinction d’âge, de sexe, de poids, de taille…etc !! ». « L’aïkido doit être adapté à tous » voila une phrase en or !!

     

    Interview de Sébastien Heurteau

     

    Si nous souhaitons être en accord avec cette phrase, nous devrions donc tous nous demander, pratiquants et enseignants, si le travail que nous proposons est accessible à tous ?

    En France, je vois beaucoup l’équation « attaque-chute » Ça va vite !! Il faut que ce soit démonstratif !! Comme si vitesse d’exécution rimait avec efficacité technique. Mais alors comment différencier l’entraînement de la démonstration ??? Et où se situe l’idéogramme « AÏ » de l’AÏ-KI-DO ?? Est-il présent ? Est-il compris par les aïkidoka français ?

    Au Japon, c’est certainement l’idéogramme le plus important car il caractérise la rencontre et l’union des deux personnes. Donc selon moi, si on est dans une pratique « attaque-chute », le temps de rencontre est beaucoup trop court pour en sentir toutes les subtilités, d’ailleurs, demandez à un japonais qui ne fait pas d’aïkido ce qu’il pense de cet art martial ? Culturellement parlant, il vous dira que probablement les principes et les valeurs de cette discipline sont dans le « AÏ » puisque ce sera pour lui l’idéogramme le plus parlant.

    Finalement, je pense que c’est dans l’homme et dans ses interactions avec les autres que réside la richesse de l’Aïkido.

     

    •  Quelle est ta vision de l’aïkido ? Et que favorises-tu dans ta propre pratique ?

    Je vais me répéter mais l’idéogramme « AÏ » a une grande importance à mes yeux. Lorsqu’on s’entraîne de façon régulière à l’Aïkikai, il y a tellement de pratiquants de passage tout au long de l’année qu’on a la chance de pouvoir travailler avec tout type d’aïkidoka, de toutes nationalités, des gens qui n’ont pas forcement la même vision de la pratique et parfois c’est très compliqué car on doit s’entraîner 1 heure avec la même personne. C’est là que le « AÏ » à son importance, c’est là que l’aïkido commence réellement. Comment trouver un chemin commun malgré nos différences pour que la rencontre et l’union se retrouvent ? Comment mettre son ego de côté afin de pratiquer avec l’autre. On n’y arrive pas toujours mais on essaie et c’est comme ça que l’on progresse dans le « AÏ ». En France, c’est un peu plus difficile, je le reconnais, puisque la plupart des gens ne s’entraînent que dans leur club, où tout le monde se connaît. Des habitudes s’installent et les interactions également. Les différents stages proposés deviennent donc des lieux de rencontres intéressants.

    Interview de Sébastien HeurteauPour revenir à la notion « attaque-chute », lors de mes cours, je conseille souvent aux gens d’aller moins vite dans leur travail, afin de mieux comprendre, mieux sentir et mieux vivre le mouvement, d'essayer en fonction de la technique de privilégier la chute arrière plutôt que la chute avant.  Je leur conseille aussi de garder le partenaire le plus longtemps possible avant qu'il ne parte à la chute. Et tout comme je l’ai compris au Japon, je leur dis de faire attention de ne pas se tromper entre l’entraînement et la démonstration. Bien sûr, la chute est très importante, mais elle marque la fin du mouvement et donc du « AÏ ».

    Bien qu'il m'arrive aussi de temps en temps de le faire car c'est très tentant quand on travaille avec un partenaire généreux,  le côté démonstratif dans l’entraînement me gène car il n’est pas franc. L’aïkido à besoin pour s’épanouir d’une grande générosité et disponibilité de la part de l’Uke, « l’Ukemi » est très important !!

    En revanche, c’est plus le rôle de Tori qui me gène car je vois de plus en plus se développer un aïkido que je qualifie « d’obligatoire », en obligeant le partenaire à faire telles ou telles chutes. En résumé, Uke donne tout car c'est ce qu'on lui répète sans cesse depuis ses débuts et au final il se fait enfermer, emprisonner dans un mouvement sans aucune liberté, par exemple, pourquoi pas la liberté de terminer le mouvement par la chute de son choix ? Est-ce à Tori de décider de la chute que son Uke devra faire ? Uke a-t-il le choix ? Doit-il être finalement moins généreux dans son Ukemi afin de se préserver ? Bien souvent, j'ai l'impression que Tori ne respecte pas assez Uke, et je ne suis pas étonné de voir des gens avec de moins en moins d’envie et de générosité dans la pratique, la chute devenant de plus en plus soumise.

    Mes propos ne doivent pas être interprétés comme des affirmations, ce sont juste des constats basés sur mon ressenti et ma recherche actuelle, simplement des questions que je pose sur les relations Tori/Uke. Aujourd'hui, je n'ai pas encore les réponses claires à ces questions. Mais elles m'interpellent  parce que  lorsque j’étais au Japon, j’ai eu l’honneur de passer dans les mains d’un grand nombre de sensei, et je n’ai jamais ressenti d’obligation dans la pratique. Au contraire, j’ai toujours senti qu’ils me laissaient la liberté de choisir. En fait, ce sont eux qui s’adaptaient à moi et à mon Ukemi, pas l'inverse !! J’ai vraiment compris ce phénomène au contact de Kuribayashi sensei. A son cours, il y avait de tout, des gens avec un très bon Ukemi et d’autres qui n’en avaient pas. Sur le tapis, je le voyais pourtant travailler avec tout le monde, il s’adaptait aux différences des gens, il n’obligeait jamais personne à faire telle ou telle chute et pourtant son mouvement était toujours le même. C’était génial pour moi de voir ça chaque semaine et je me disais, par exemple le soir en rentrant, qu’en France ça ne se passerait probablement pas comme ça. On rejetterait toujours la faute sur l’Uke, soit parce qu’il n’attaque pas comme on veut, soit parce qu’il ne fait pas la chute qu’on a décidée.

    La grande différence ?? J'ai l'impression qu’en France Tori veut absolument faire chuter Uke, il a l'air d'en avoir besoin pour obtenir un résultat immédiat afin de se rassurer dans sa progression. Alors qu’au Japon c’est Uke qui permet à Tori grâce à son Ukemi de réaliser un mouvement. C’est à Tori de s’adapter à l’Ukemi de son partenaire et non l’inverse.

     

    •  Que penses-tu du système fédéral en France ?

    Je n’ai pas trop d’idées sur cette question. Avant le Japon je n’ai connu que la FFAAA et je connais peu l’Aïkido de la FFAB.

    En tout cas, mes 8 années japonaises m’ont tenu éloigné des petits différents entre les deux fédérations. Je ne me sens donc pas concerné et je n’ai aucun problème pour aller animer un cours dans l’une ou l’autre. Je n'ai pas de compétences particulières dans la politique, seul l’aïkido m’intéresse.

    Pour l’anecdote qui n'a rien à voir avec la question posée, j’ai eu l’occasion de rencontrer Tamura sensei pour la première fois à Tokyo, j’avais hâte d’aller à son cours pour me faire mon propre avis par rapport à ce que j’avais pu entendre sur lui par le passé. Au final, j’ai découvert un personnage fort sympathique toujours avec le sourire et une grande maîtrise technique, je me souviens l’avoir attaqué et puis m’être retrouvé au sol en un instant sans trop savoir ce qu’il s’était passé. C'était, certes, un aïkido différent de ce que l'on faisait à l'Aïkikai mais cela restera pour moi de bons souvenirs avec un grand maître que j’ai finalement très peu connu.

    Pour répondre à la question, je pense qu’il aurait été très valorisant  pour l’aïkido français d'arriver à fusionner les deux fédérations et de combiner ainsi leurs richesses et leurs expériences car il y a forcément du bon dans les deux.

     

    •  Tu as, cette année, animé plusieurs stages à Paris, Bayonne et Angers, qu’apportes-tu aux pratiquants et qu’en retires-tu en tant qu’enseignant ?

    Lorsque je suis rentré, j’ai fait le choix de ne pas être professionnel d’aïkido pour faire vivre ma famille. Je pars donc animer des stages en dehors de mon emploi avant tout pour rencontrer des gens et pour présenter mon travail. Je me dis aussi que si les gens viennent s’entraîner dans mes cours et reviennent chaque année, c’est parce que quelque part ils s’intéressent à mon travail. C’est pour ça que je prends plaisir à y retourner.

    Interview de Sébastien HeurteauLors de mes stages, je pars du principe que la technique ils l’ont déjà, du moins la forme technique. De plus, je ne prétends pas moi-même posséder un grand niveau technique, alors j’essaie de leur apporter quelque chose de différent, de complémentaire, un travail de sensation essentiellement lié à la recherche du centre, un travail de fond pour enrichir leur niveau technique. Je ne suis pas là pour imposer quoi que ce soit, je propose aux gens d’explorer de nouvelles pistes, de travailler différemment, comme on le ferait à l’Aïkikai.

    A ce moment-là de la réponse j’ai une pensée particulière pour le club de « l’ Aviron Bayonnais » qui a été le premier à m’inviter lorsque je suis rentré en France alors que j’étais dans le flou côté aïkido, ne sachant pas vraiment ce que j’allais faire et où m’installer. Je l’en remercie !!

     

    •  Qu’est-ce qu’un bon enseignant selon toi ?

    Je ne peux pas répondre à cette question de manière objective car je ne suis pas enseignant depuis longtemps. C’est un exercice nouveau pour moi.

    Ce qui est sûr, c’est que je n’enseigne pas de la même façon qu’un grand nombre de professeurs français. En effet, je ne base pas mon enseignement sur le catalogue fédéral.

    Je pense qu’être un bon enseignant ne se mesure pas au niveau technique, mais à la manière de transmettre son savoir.

    De plus je connais beaucoup d’enseignants français qui ont su se constituer un noyau dur d’élèves fidèles au fil des années. Cela doit être un signe que l’enseignant est bon. Et de ce coté là, j’ai encore tout à faire !!!

     

    •  Comment abordes-tu les kihon et les applications ?

    Interview de Sébastien HeurteauC’est une question difficile car beaucoup ne sont pas d’accord avec moi et ils en ont le droit. A savoir que dans cette phrase, je remplace le mot « Kihon » par la forme et le mot « application » par le fond.

    « Le fond et la forme », voilà un sujet intéressant !!

    L’enseignement est quelque chose de nouveau pour moi. Néanmoins, je sais comment on enseigne au Japon et comment on enseigne en France. Au Japon, le fond prime sur la forme et c’est ce que j’essaie de faire. C’est pourquoi je ne demande pas à mes débutants de connaître ou de savoir faire telle ou telle technique. Je leur demande avant tout de bouger, d’avoir des sensations. Je n’utilise donc pas de phrases du genre « il faut mettre le pied comme ci, et la main comme ça ! ». Non !! Ce n’est pas leur rendre service que de les enfermer dans une gestuelle statique, car le temps qu’ils placent leurs 4 bras et leurs 4 jambes, ils ne bougent pas et n’ont pas de sensations (on dit toujours quand on commence l’aïkido, qu’on a l’impression d’avoir 4 bras et 4 jambes). Je leur propose donc d’oublier leur corps et de bouger, d’essayer de sentir le mouvement avant toute chose. Ensuite, avec le temps, la forme se placera toute seule, elle se greffera sur le fond.

    L’aïkido est avant tout un art de sensations, on doit le ressentir de l’intérieur et c’est de cette manière qu’il est enseigné et transmis au Japon.

    En occident, nous l’avons intellectualisé afin de pouvoir l’adapter à des cultures différentes et donc son enseignement s’est mécanisé, robotisé de manière linéaire. Nous sommes des enseignants avant d’être des aïkidoka, l’explication prenant le pas sur la sensation. On nous demande avant tout de savoir structurer un cours, de savoir détailler et expliquer minutieusement une technique selon un thème précis, c’est ce que l’on appelle la forme…!!!

    J’ai conscience qu’il est difficile d’adapter un enseignement japonais dans un système occidental, mais comme je ne suis qu’au début, c’est un pari que je fais.

    Pour l’instant, les débutants que j’ai eus lors de ma première année d’enseignant me donnent raison de continuer dans cette voie…

     

    FIN

     

    PS : Merci Stéphane de m’avoir donné l’occasion de m’exprimer !!


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