• Les Armes

    LE TRAVAIL DES ARMES (Bukiwaza)
      

    Durant toute sa vie, O Senseï a pratiqué les armes. Ce qui a participé d’ailleurs au processus de création de l’Aïkidô.C’est pourquoi, pratiquer les armes, semble, de nos jours, un moyen ou un outil supplémentaire d’expérimenter les principes qui régissent l’Aïkidô. En effet, l’apprentissage des armes peut permettre non seulement de démontrer un mouvement, un déplacement ou une technique en tant qu’enseignant mais aussi d’élargir sa propre vision de l’Aïkidô au travers de la pratique elle-même.
     

    • Historique Résumé des Armes


    600 avant J-C : La fondation de l’Empire Japonais.

    3ème - 4ème siècle : Durant l’époque Kofun, en plein âge de fer, naît le Ken qui prend par la suite le nom de TSURUGI, épée à lame droite à double tranchant. A la fin de cette période, apparaît le TACHI rudimentaire à lame droite mais à un seul tranchant.

    646 - 793 : A l’époque Nara, apparaît le grand sabre à tête de marteau KABUTSUHI no TACHI qui se portait de paire avec un petit couteau.

    794 - 1185 : A l’époque Heïan naît le TACHI, un grand sabre à lame légèrement incurvée avec une poignée centrée dans le sens de la lame.

    1392 - 1572 : A l’époque Muromachi, les lames sont presque droites. Le 15ème siècle est la période des guerres régulières. Les samouraïs combattent à pied par manque de chevaux. Les lames des sabres raccourcissent et donnent naissance au KATANA qui glisse dans la ceinture, le obi, porté de paire avec le TANTÔ. Il ne faut pas oublier qu’au cours de cette époque les lames sont fabriquées avec un noyau d’acier enveloppé de fer doux.

    1573 - 1599 : Durant la période Momoyama, les soldats à pied portent à la ceinture le sabre long, le Katana, le sabre court, le Wakizashi, et le Tantô. La période des guerres intenses sera arrêtée par Oda Nobunaga et Toyotomi Hideyoshi. En 1582, Oda Nobunaga sera assassiné et Toyotomi Hideyoshi va désarmer le peuple. Le port du sabre sera interdit. Suite à cette période, la longueur de la lame sera diminuée et une partie du tranchant sera réduite, le DAÏTÔ. Pendant ce temps, le Tantô sera développé. A la fin du 16ème siècle, les samouraïs porteront 2 sabres daïsho qui doivent leur nom à la contraction des termes « Daïtô » et « Shotô » signifiant « long » et « court ». C’est la constitution du katana et du wakizashi.

    1935-36 : L’Aïki-jutsu d’avant la 2ème guerre mondiale montre un caractère très combatif, très efficace. Les modalités de mise en oeuvre des mouvements aïki étaient alors pratiqués sans distinction : à mains nues, katana, yari (lance), ken, jo et même la baïonnette. La recherche de l’efficacité pour la conclusion rapide et favorable d’un combat était donc encore d’actualité.

    1950 : Le contexte de l’après-guerre a fait évoluer la finalité des armes en passant de la recherche de l’efficacité en combat vers l’éducatif, de la maîtrise de la vie de l’autre à la maîtrise de soi. C’est ainsi que l’art du sabre - le IAIDO - fut introduit en lieu et place du KATANA. Alors qu’autrefois la pratique des armes était l’essentiel, celle-ci apparaît maintenant et en particulier en Aïkidô comme un simple complément pédagogique en Taïjutsu. L’Aïkidô est d’ailleurs l’art martial le plus en phase à cette époque puisqu’il répond à la tendance générale qui était que l’éducatif (le persuasif et le constructif) devait l’emporter sur le coercitif (l’autoritaire, le destructif). Il était donc aux avant-gardes de toutes les autres disciplines en prônant au travers des techniques de combat, la recherche du bien-être physique et mentale plutôt que l’efficacité.

    1965-66 : Nakazono Senseï et Tamura Senseï, qui oeuvraient alors de concert au sein de l’ACFA et de l’ACEA en Europe, décidèrent d’imposer systématiquement la pratique du Ken, du Jo et dans une moindre mesure le Iaido. La motivation, à cette époque, était de garder l’Aïkidô comme discipline martiale. Le travail des armes était ressenti en France comme une nouveauté (Christian Tissier et quelques autres commencèrent d’ailleurs en 1967) et était contrôlé lors des passages des grades Dan.

    • Caractéristiques Techniques des armes

     

    Le Bokken ou Bokutô : Reproduit en bois la forme et l’équilibre du Katana. Disponible le plus souvent en chêne vert de teinte claire à la longueur standard de 1,02 m. Il existe aussi en bois plus ou moins précieux pour les suburi ou pour travailler seul.

    Les Différents sabres : 

     Daïtô : la longueur de la lame est de plus de 606 mm. Ce sont les TACHI et KATANA.
    Shotô : La longueur de la lame est entre 303 mm et 606 mm. Ce sont les WAKIZASHI.
        
    •    Le IAÏTÔ : Imitation du Katana en fer blanc impossible à affûter.
        
    •    Le JO : Bâton en chêne vert de longueur standard 1,28 m et de diamètre 2,6 cm doit posséder 2 qualités : la rectitude et un état de surface dépourvu de vernis.
        
    •    Le TANTÔ : Couteau en bois ou en fer blanc de longueur 30 cm.

    Shaku : la longueur de la lame est de moins de 303 mm. C’est le tantô Aïkuchi qui ne possède pas de garde, le tantô kaïken, dépourvu de garde, de petite taille pour les femmes et le tantô Hamidachi qui possède une garde.

    Les armes de poing japonaises peuvent être classées selon :

    •    Le type de monture :

    Jindachi Zukuri.
    Buke Zukuri.
    Shira Zaya.

    •    L’époque de fabrication :

    Kotô : ancien sabre.
    Shintô : nouveau sabre.
    Shinshintô : Nouveau nouveau sabre.

    •    La forme de lame :

    Riken, Hoken, Osoraku Tsukuri, Shinogi Tsukuri, Moroha Tsukuri, Kata Kiriha, Hira Tsukuri, Kanmuri Otoshi, Unokubi Tsukuri, ...

    • Capacités Fondamentales Développées au Travail des Armes


    Nous ferons ici une description des capacités en terme de critères d’évaluation :

    1er Critère (la connaissance formelle des techniques):

    Ecole Kashima - Shihanke : Seki Humitake - Soke : Kunii Masakatsu
    Ecole Toho - Enseigné par Nishio senseï.
    AÏKIKEN ou Sho Chiku Baï no Ken (18 mouvements) - Crée par Ô Senseï - Longtemps enseigné par Hikitsuchi senseï, et perpétué par Gérard Blaize ainsi que Saito sensei.
    AÏKIJO ou Masakatsu Bojutsu (32 techniques) - Crée par Ô Senseï. Longtemps enseigné par Hikitsuchi senseï et perpétué par Gérard Blaize ainsi que Saito sensei.

    Modalités d’utilisation des armes en Aïkidô :

    KEN-TAÏ-KEN (ken contre ken) : c’est la pratique de l’Aïkiken ou du Kenjutsu qui s’exprime en Kumitachi.
    TACHI DORI : Tori mains nues se défend contre les attaques au ken.
    TACHI NAGE : c’est la tentative de contrôle à mains nues par uke du poignet droit de tori qui tient la manche du katana (rengainé ou non).
    JO-TAÏ-KEN : Uke attaque au ken, tori assure la défense avec le jo. Situation prisée par les pratiquants de Iaïdô.
     JO-TAÏ-JO (Aïkijo) : c’est la pratique des KUMIJO.
    JO DORI : Tori mains nues se défend contre les attaques au jo. 

    JO NAGE : c’est la tentative de contrôle de uke par tori en utilisant le jo comme outil de projection.

    2ème Critère (la construction des techniques):

    Placement/déplacement : Esquive ou protection ou absorption (vide), ma-aï.
    Déstabilisation : Principe d’Irimi, désarmé ou « casser » les hanches ou menace ou ouvrir la garde.
    Action finale : Contrôle ou coupe.

    3ème Critère (le principe d’intégrité):

    Relation avec le corps :
        
    Assise, mobilité statique et dynamique.
    Perception et exploitation des axes.
    Notion de tension/relâchement.
    Unité corps/arme.
    Amplitude des mouvements.
    Perception du poids et du centre de gravité de l’arme.

    Relation avec la partenaire :

    Distance et placement.
    Contact.
    Ecoute.
    Timing et anticipation.

    Relation avec le mental  :

    Ne pas blesser ou être blessé.
    Ne pas travailler plus que ses capacités.
    Vigilance/présence.
    Intention/changement d’intention.
    Reïshiki.

    On peut dire du travail des armes que le mouvement part du sol, se développe dans le corps, passe par l’arme et se répercute chez le partenaire. Le développement des cercles, la concentration du triangle, la notion de contact peuvent s’illustrer de la manière suivante : « Entrez sous le signe du triangle, réalisez le mouvement suivant la technique du cercle puis contrôlez en conduisant vers le bas sous le signe du carré » Ô Senseï.

    L’arme a de plus sa propre originalité. Si elle est intégrée à la gestuelle, à la dynamique, elle concrétise les notions d’axes, de lignes, de plans, d’alignement et rend subtile la notion de contact.

    La pratique des armes est un moment où le travail de l’intention demande plus de rigueur et de présence. Intention sans laquelle l’échange se vide de sa substance, de son sens. Les armes sont complémentaires au travail à mains nues car elles créent une situation où les rapports de temps, de vision et de placement prédominent, une situation où la vigilance et l’urgence sont accrues, une situation où puissance et poids ne représentent plus un avantage.

    • Recherche de Parallèles entre Aïkidô et Armes:


    Tout le monde admet que les principaux mouvements de l’Aïkidô, les mouvements de base, aussi appelés KIHON WAZA tels que SHIHO NAGE, IRIMI NAGE, IKKYO, NIKYO, SANKYO, KOTE GAESHI, Sont basés sur des mouvements de sabre.

    SHIHO NAGE = SHIHO KIRI, YOKOGURUMA + HENKA + SHOMEN UCHI, ...
    IRIMI NAGE = KIRIAGE + KESAGIRI, ...
    Notion de coupe (= ATEMI à mains nues).
    Notion de contact.
    Transfert du poids du corps.
    Couple de force entre les 2 mains.
    Saisie du Ken (= Contrôle de YONKYO).
    Attitude de fin de SHOMEN au sabre et de KOKYU à mains nues.
    Utilisation des mêmes plans.
    Utilisation des formes géométriques (triangle, cercle, spirale).
    Engagement des hanches.
    Relations martiales ou Aïki.
    Notions d’attitude, d’axes, d’homogénéité dans l’action.
        

    • Autres parallèles à noter au niveau pédagogique :


    KEN-TAÏ-KEN : c’est la forme la plus souvent considérée comme génératrice du mouvement à mains nues. Les distances plus grandes imposent des déplacements plus amples. Les directions de coupes peuvent correspondre aux atemis à mains nues.
     

    TACHI NAGE : Il peut être un outil pédagogique pour illustrer la notion de TEGATANA. En effet, le tranchant de la main suivra la même trajectoire avec la même orientation que le tranchant du sabre.
     

    JO NAGE : Uke tente de contrôler le jo que tori tient avec les 2 mains. Le jo permet ici une mise en oeuvre de la notion de KOKYURYOKU.

    Le retour à la martialité, au BUDÔ, par la pratique des armes (Buki Waza) n’infirme pas les finalités éducatives. Au contraire, par la concentration et le sérieux qu ’elle impose, la pratique des armes conforte l’aspect formateur de la discipline Aïki. De nombreuses formes de Kumitachi ont été modifiées dans ce sens. Ils se pratiquent comme échange plutôt que destruction du partenaire (Ki Musubi no Tachi).

    Il est important de sentir à quel point les divers modes d’exécution d’une technique sont liés. Les japonais utilisent le terme de RI-AÏ pour désigner l’unité fondamentale qui relie entre elles les diverses modalités d’exécution d’une même technique. Que ce soit avec un KEN, un JO, à mains nues, KEN contre KEN ou JO contre KEN, les techniques de base ont toujours la même logique, la même forme, la même construction. La pratique des armes, par les nouvelles visions qu’elle amène de mouvements classiques que l’on croît connaître parfaitement, impose une remise en question permanente. C’est ainsi un puissant moyen de faire évoluer la pratique donc de la faire vivre.