• Un peu d'histoire

    La Fondation aïkikaï
        

        
    La création de l’Aïkikaï est la clef de voûte qui représente le lien entre deux périodes de l’histoire de l’Aïkidô, c’est à dire entre la période d’avant-guerre, et celle d’après-guerre.   


    UNE PRATIQUE NOMADE   


    Il n’y avait pas de lieu permanent de la pratique de l’Aïkidô à Tokyo avant 1927. En effet, le fondateur enseignait à Ayabe, fief d’Onisaburo DEGUCHI, chef charismatique de la religion Omoto. Ce dojo était nommé « Ueshiba juku ». Le dojo n’était pas ouvert au public mais à des proches de Deguchi ou divers dirigeants de l’Omoto-kyo. Il mesurait environ 32 m2 et, à cette époque (1919-20-21), l’art du fondateur était appelé « Daïto-ryu jûjutsu ».
        
    Nous sommes donc à une époque où l’enseignement n’est pas la priorité de Morihei, mais seule sa pratique personnelle comptait. L’établissement d’un dojo et d’une structure nécessaire à la diffusion et à la formation d’instructeur étaient loin d’être sa priorité.
        
    De plus, le contexte politico-économique d’avant guerre ne se prêtait guerre au développement de l’Aïkidô car l’expansion militaire et le recherche de matière première obligeaient toutes les institutions comme la marine, l’armée de terre, les services secrets, la police militaire à une demande croissante d’instructeurs en arts martiaux. La pratique du Kodokan Judo, du Kosen judo étaient avec le Karate, les seules que l’on pouvait suivre à cette époque.
         

    LA SEDENTARISATION DE L’ENSEIGNEMENT   


    En fait, la pratique du fondateur ainsi que son enseignement étaient issus du monde du Ko-bujutsu, pratique qui était restreinte à un cercle d’initiés. C’est pourquoi, il n’y avait pas de dojo et d’une certaine manière, le fondateur fuyait l’enseignement de masse.
        
    Parmi les adeptes de la religion Omoto, on trouvait de nombreuses personnalités du monde politique, des finances et de l’armée. Grâce à l’entremise de ses prestigieux membres dont l’amiral Asano Seikyo qui fit connaître maître Ueshiba à l’amiral Takeshita, l’enseignement de l’art du fondateur allait passer de la clandestinité à la lumière. Maître Ueshiba, grâce aux relations de l’amiral Takeshita, effectua pendant 2 ans une série de stages et de démonstration à Tokyo. Ainsi, en 1926-27, toute la famille Ueshiba déménagea pour s’installer à Tokyo afin de soutenir le fondateur qui faisait désormais connaître son art sous l’appellation de « Ueshiba-ryu-aïki-budo » ou « Aïki-budo » ou « Aîki-jujutsu ». Néanmoins, le fondateur qui continua à enseigner entre 1927 et 1931 n’avait toujours pas de dojo. Toutefois, le nombre de personnes voulant suivre l’enseignement du fondateur s’accroissant de plus en plus, il devenait urgent de construire un dojo permanent.
        
    En 1931, un dojo d’une surface de 160 m2 fut construit dans le district d’Ushigome, arrondissement de Shinjuku. La maison des Ueshiba jouxtant le dojo était encore plus vaste avec ses 290 m2. Il fut nommé « Kobukan » et devint rapidement le centre de l’enseignement et de formation de nombreux Uchi-deshi qui devinrent par la suite instructeurs et firent connaître l’Aïki-budo. Ces uchi-deshi se nommaient Minoru Mochizuki, Kenji Tomiki, Aritoshi Murashige, Gozo Shioda, etc .... La pratique au dojo était très rude et ce lieu fut rapidement surnommé « le dojo de l’enfer ».
        
    En 1932, sur l’initiative d’Onisaburo Deguchi, l’organisation Budo Senyo kaï fut créée afin de promouvoir sur une échelle nationale l’art de Morihei Ueshiba. La création du kobukan dojo et du Budo senyo kaï ne sont donc ici que des embryons qui donneront naissance plus tard à la fondation Aïkikaï que nous connaissons aujourd’hui. Les aléas que rencontra Deguchi avec le pouvoir politique, ses relations au travers du Budo senyo kaï, mais aussi sa relation intime avec Ueshiba, le tout jumelé avec le climat de guerre durant cette période troublée de l’histoire du Japon, sera, à la fois, une source inépuisable d’expérience uniques pour la création finale de l’Aïkidô par maître Ueshiba et une histoire riche d’exemples à ne pas suivre pour la fondation Aïkikaï que Kisshomaru Ueshiba va façonner magistralement.


     UN CONTEXTE HISTORIQUE DIFFICILE


    En 1937, le Japon entre en guerre contre la Chine qui se terminera tragiquement avec le lancement des bombes atomiques sur les villes d’Hiroshima et de Nagasaki en 1945. Durant cette période noire, les rangs des anciens uchi deshi du Kobukan dojo s’éclaircissent, nombreux, parmi ceux appelés sous les drapeaux, ne revinrent jamais. Au plus fort de la guerre du Pacifique, le dojo était presque désert et le maître Ueshiba était absorbé par l’enseignement dans diverses institutions militaires. C’est durant cette période,1939-40, que Koichi Tohei et Osawa Kiburo commencèrent la pratique au Kobukan et que le terme « Aïkidô » pour désigner la discipline devint officiel. En 1939, le Kobukan dojo fut restructuré en fondation et en 1940, la fondation Kobukaï fut officiellement déclarée. L’amiral Takeshita Isamu prit la première présidence. Pendant les raids aériens des américains, le Kobukan abrita de nombreuses victimes qui avaient perdu leur maison sous le déluge des bombes. Kisshomaru dut combattre le feu plus d’une fois pour préserver le dojo, la maison familiale et les maisons voisines. Mais, aidé de Tohei et de Osawa, il continua l’administration, la gestion ainsi que la formation et l’enseignement. Cette période marqua aussi la transition entre la pratique ancienne qui se faisait au kobukan et la pratique moderne qui s’instaurait à la fondation Aïkikaï.
        
    Dès le début 1943, la santé de Morihei Ueshiba s’altéra du fait du manque de repos, des sollicitations de toutes parts et des carences nutritives. Morihei Ueshiba se retira donc à Iwama pour deux principales raisons : La première, c’est que Morihei Ueshiba était en quête perpétuelle de la profonde essence des arts martiaux et le second, c’est qu’il n’était pas attaché à l’enseignement de la pratique à long terme. Il était intimement convaincu que l’administration, la gestion, l’enseignement, la formation n’étaient que des obstacles à sa quête.
        
    Ainsi, pour les douze prochaines années et jusqu’à sa mort, Morihei Ueshiba se retira à Iwama où il consacra la totalité de son temps à la culture de la terre, l’introspection religieuse et à sa pratique personnelle. Il perfectionna son art et découvrit de nouvelles dimensions spirituelles qui donnèrent naissance au concept de Takemusu Aïki, le plus haut niveau d’excellence technique de l ’Aïkidô moderne.    


    UN CHOIX : Le début d’une succession   


    C’est son fils, Kisshomaru, qui se chargea du travail le plus ingrat alors qu’il avait déjà un emploi dans une compagnie de courtier en bourse. Poussé par une force intérieure, il se devait d’occuper la charge que lui incombait la présidence technique et administrative du Kobukaï.

    Après la guerre vint l’occupation américaine qui interdira toute pratique martiale sous toutes ses formes. Sous la pression des autorités américaines, il fallait restructurer et changer l’orientation des budô vers un domaine soit plus éducatif comme celui de l’éducation physique, soit sportif comme la boxe ou l’escrime. Alors, rapidement, Kisshomaru entreprit une restructuration du Kobukan pour répondre à toute nouvelle évolution.
      

    LES ANNEES D’APRES-GUERRE : Création et Développement     

     
    Une Réunion préparatoire se tint le 22 novembre 1945 dans le manoir de Tokiwa dans le quartier de Maru no Ichi à Tokyo. 53 personnes y assistèrent dont le jeune Konoe, ancien premier ministre. Ce fut durant cette réunion que la fondation prit le nom de « Fondation AÏKIKAÏ  ». Le 9 février 1945, la nouvelle fondation reçoit son agrément, ce qui marque le nouvel essor de l’Aïkidô. En 1948, le gouvernement, au travers du ministère de l’éducation, reconnaît officiellement la nouvelle structure, la fondation Aîkikaï (Zaidan Hojin Aïkikaï) comme la seule organisation nationale à promouvoir l’Aïkidô. Situé dans l’actuel district d’Ushigome, arrondissement de Tokyo, c’est aujourd’hui un immeuble de 3 étages avec l’accueil au rez de chaussée, la salle des débutants au 1er étage, la salle des entraînements réguliers (à partir du 1er kyu) au second, et, ensuite, la petite salle de cours privés au 3ème étage avec les vestiaires personnels. Il y a aussi une remise pour les keikogi se trouvant sous le toit, c’est un demi étage supplémentaire à l’édifice.
        

    L’ESSOR DE L’AÏKIDÔ 

     
    L’Aïkidô d’après-guerre connu un essor sans précédent au Japon au début des années 50, essentiellement grâce aux efforts multiples d’anciens pratiquants comme Shioda Gozo, Tohei Koichi et Kisshomaru Ueshiba. L’administration, les programmes techniques, la délivrance des grades, la formation des instructeurs et la diffusion de l’Aïkidô dans tout l’archipel étaient entre les mains de Kisshomaru, des experts de la direction technique et des membres du conseil d’administration de la fondation Aïkikaï. En effet, pour se démarquer des groupes qui émergeaient et du Daïto ryu, Kisshomaru entreprend de réaliser un réel programme technique fidèle à l’art fondé par son père, d’examen de passage de grade ainsi que la rédaction d’ouvrages techniques qui sont aujourd’hui des références incontournables. Il s’engage dans la formation de jeunes instructeurs, aide à la diffusion et à la promotion de l’Aïkidô au sein des universités, lycées, écoles, et dès 1955, il met en place une organisation efficace qui permet la diffusion de l’Aïkido dans tout le Japon, dans toutes les couches de la société. Ainsi, en 1999, on pouvait compter presque 120 universités japonaises accueillant des sections Aïkidô. La fondation reconnaît officiellement plus de 500 dojos dans tout le Japon sans compter ceux affiliés à l’Association d’Aïkidô du Japon et l’Association d’Aïkidô des Etudiants. Les centres de pratique de l’Aïkidô répartis dans tout le Japon avoisinent les 1400. Le centre principal de toutes ces organisations reste aux yeux de tous la Fondation AÏKIKAÏ et son centre d’enseignement, l’Aïkidô Hombu Dojo.
        
    En 1968, la structure en bois de l’ancien dojo fut remplacée par un grand bâtiment de 5 étages afin d’accueillir les pratiquants venant des quatre coins du Japon mais aussi de l’étranger.
        
    Dans le même temps, le développement international de l’Aïkidô fut spectaculaire dans de nombreux pays, et sur tous les continents. L’Aïkidô fut initialement introduit aux USA à Hawaii, par le fondateur lui-même, en France pour l’Europe par Minoru Mochizuki, Aritoshi Murashige, Noro Masamichi. Par la suite, de nombreux instructeurs seront envoyés afin d’aider les différents pays à avoir une meilleure compréhension de l’Aïkidô, certains se fixant même dans leur pays d’accueil et y exerçant toujours comme Noro Masamichi et Tamura Nobuyoshi en France.   


    NAISSANCE DE LA F.I.A  


    En 1975, un comité préparatoire réunit à Madrid où 30 pays étaient rassemblés, propose de discuter sur la création de la « Fédération Internationale d’Aïkidô ». Puis, en 1976, la Fédération fut officiellement inaugurée et commença ses travaux.
        
    En 1984, elle regroupait plus de 40 fédérations et organisations nationales sous l’égide de la fondation Aïkikaï.
        
    Ainsi, la fondation envoie régulièrement des professeurs à l’étranger et entretient des relations régulières avec les dojo par l’intermédiaire d’un organe interne nommé la « Fondation pour les échanges culturels et internationaux ». La fondation Aïkikaï centralise l’enregistrement et l’homologation des grades et délivre les diplômes. Les diplômes de ceinture noire sont nominatifs et signés par le Doshu, actuellement Moriteru Ueshiba, petit-fils du fondateur qui succéda à son père Kisshomaru.   


    LE DOSHU   


    Le rôle du Doshu, le « Maître de la voie », est très précis et compliqué. En plus des cours d’Aïkidô qu’il assure et des séminaires qu’il tient dans tout le Japon, sa présence est toujours très sollicitée dans de nombreuses réunions, colloques, grands événements culturels, sportifs, martiaux, etc...
        
    Le terme Doshu ne renferme pas seulement la maîtrise technique, la connaissance de l’histoire et des concepts profonds de l’Aïkidô. Il faut entendre ici, une dimension où la maîtrise de la voie est appliquée à tous les domaines même les moins apparents. Il s’agit donc de faire face au monde moderne et de ses nécessités, savoir discourir et tenir une discussion sur un grand nombre de sujets, tous n’étant pas forcément en relation directe avec l’Aïkidô.
        
    En ce sens, le terme de Doshu va plus loin que celui de fondateur car il doit non seulement veiller à l’authenticité de ce qui lui a été transmis ainsi que de sa propre pratique, mais aussi faire preuve d’une imagination créatrice afin de rester dans le sillon tracé par le fondateur : une constante évolution dans le temps.
        
    Plus qu’un lieu de pratique et d’apprentissage de l’Aïkidô, le Hombu dojo de la fondation Aïkikaï est en fait la matérialisation d’une volonté sincère, celle d’un homme, Kisshomaru Ueshiba, qui toute sa vie a entrepris de donner une structure solide, sérieuse et qui plus est de qualité, à un art, l’Aïkidô, qui n’en demandait pas moins.